Alcool de riz, faux passeport, tas de briques et parc à ours: passage du Vietnam au Laos par les montagnes du nord
Après une journée de transition à Hanoi, nous partons vers les montagnes du nord du pays. On a retrouvé avec un plaisir mitigé nos artisans métallurgistes et la circulation complètement folle de la ville pendant une journée. On part donc s'exiler au village de Ta Van.
Le village et les autres autours sont peuplés par la communauté Hmong. Ils se sont naturellement écartés du reste de la population après avoir combattus avec les français puis les américains contre les armées vietnamienne et laotienne.
Nous partons le premier jour avec May, notre guide Hmong pour une visite des rizières en terrasse de la vallée. Les récoltes se sont faites seulement quelques jours plus tôt. Les champs sont donc vides maintenant.
Il y a encore 20 ans, les villages n'étaient pas reliés par la route et tout le monde travaillait dans les rizières. Aujourd'hui, le tourisme a permis de développer la région. May nous présente ses deux copines Mu et Mimi qui nous accompagnent aujourd'hui, elles nous confient préférer largement guider les touristes que de se casser le dos dans les rizières avec les hommes. Les guides Hmongs sont donc exclusivement des femmes, qui parlent anglais alors qu'elles sont illettrées (pendant la journée, elle reçoit un SMS qu'elle nous demande de lire).
Dans cette vallée, cohabitent plusieurs ethnies différentes. On les reconnait car les peuples ont chacun un habit spécial (couleur différente, foulard sur la tête, jambe courte ou jambe longue, etc.). Les vêtements sont faits à la main, et les habitants s'en fabriquent un nouveau pour la nouvelle année.
Les guides nous font passer par les différents villages. On y goute du pain de riz et des sortes de petites poires avec des gros pépins ronds.
Puis au retour, on s'arrête chez May.
D'après elle, on peut tester n'importe quoi sans problème (alcools locaux, marijuana, etc.) à part l'opium qui peut être dangereux, mais pas le sien... On refuse poliment pour se rabattre sur son alcool de riz. On était saouls avec deux minuscules gobelets. Les drogues sont prises avec un espèce de gros bambou qui s'appelle un boum boum. May n'utilise plus de boum boum parait-il parce qu'elle va à l'église maintenant.
Elle nous montre avec quelle plante elle obtient la teinture pour ses vêtements et comment elle l'utilise. On rentre sous une petite pluie par une sorte de musée des arts locaux puis on va se reposer. On passe la soirée avec une fine équipe de québecois de passage dans le coin.
Le lendemain, on part vers Sapa. La vallée est très belle mais le village en lui-même n'a aucun intérêt: on croise énormément de touristes et il y a des hôtels en construction partout. On décide donc de partir en scooter visiter le coin malgré la pluie.
La route de montagne serpente entre plusieurs villages et cascades. En haut d'un col, un chemin part d'une espèce de chantier pour aller jusqu'à un petit sommet.
On rentre vers Sapa pour prendre notre bus de nuit, sauf qu'à un virage un poids lourd arrive à fond dans l'autre sens. Surprise + pluie + graviers = accident, on fini notre course dans un tas de briques. Quelques bleus pour Camille mais rien de grave, par contre le scooter est mort (la roue avant est presque arrachée et il ne démarre plus).
Depuis qu'on est Vietnam, on a croisé beaucoup de gens avec des pansements, des bosses, des plâtres ou des brulures: beaucoup de monde tombe en deux roues sur les routes dangereuses. Bienvenue au club!
Le voisin d'en face est en train de décharger des bûches. On met notre épave dans son camion pour rentrer au village à une dizaine de kilomètres.
On croirait être tombé sur un type qui nous rend service mais non, il exige de l'argent en échange: "vous acceptez mon prix ou alors vous vous débrouillez pour rentrer."
Voilà l'ENORME problème d'un séjour au Vietnam: tout le monde essaie de vous arnaquer en permanence. C'est pas du vol violent (braquage ou vol de sac), mais de la fourberie. Les prix sont systématiquement multipliés par deux ou trois (ou plus) pour les étrangers.
On est d'accord qu'il ne faut pas généraliser mais parmi les gens qu'on a rencontré, au moins les trois quarts étaient des filous, et le reste on en est pas trop sur. La pauvreté du pays n'est pas une excuse. On était encore il y a quelques semaines au Vanuatu qui est nettement plus pauvre, et ça n'en fait pas une population d'escrocs comme ici.
Si un prix n'est pas affiché clairement à l'avance (même dans les restaurants et les taxis), ce qui est le cas la majeure partie du temps, vous êtes absolument certain de vous faire bourrer au marchandage. A Hanoi par exemple, un type m'a attrapé le pied en pleine rue pour me mettre de la colle sur les chaussures et me la faire payer. Toutes les 20 secondes vous devez repousser des vendeurs de rue (dont parfois des enfants) qui essaient de vous refourguer n'importe quoi, ce qui gâche pas mal de visites tellement c'est oppressant.
Toutes les combines sont bonnes pour arnaquer l'étranger. La fourberie va plus loin: ici l'eau n'est pas potable (on la purifie ou alors on doit acheter des bouteilles). Il existe des fausses usines d'embouteillage pour vendre de l'eau du robinet (qui rend malade) au prix de l'eau minérale.
Il suffit de taper "arnaque Vietnam" sur internet pour se rendre compte de leur ingéniosité (on en a vécu et/ou entendu plusieurs): restaurants pas chers mais qui servent des plats minuscules donc obligé d'en prendre plusieurs, chauffeur du bus qui part sans ses passagers, excursions sur-vendues, les bus qui ne déposent pas à l'endroit prévu, compteurs trafiqués dans les taxis, faux parkings soi-disant obligatoires, fausses devantures de boutiques, etc.
Les tarifs des auberges et des bus sont obscurs, personne de paie la même chose pour les transports.
Les relations humaines sont faussées, quand quelqu'un vous sourit c'est souvent pour tâter l'épaisseur de votre porte-monnaie.
En résumé, et au lieu de profiter des magnifiques endroits, on passe notre temps à parler et penser argent. C'est la première fois qu'on quitte un pays avec ce sentiment: c'était à faire et les paysages sont magnifiques. Mais on ne reviendra surement jamais, à cause des locaux.
On passe notre dernière soirée au Vietnam à jouer aux cartes sur une balance, dans une cabane en tôle à écouter du gros son avec un vietnamien surexcité.
Notre bus de nuit arrive, et on part vers Dien Bien Phu à travers les montagnes.
Arrivés au petit matin, on prend un petit déjeuner avec un couple de coréens. Nous allons passer la frontière et s'arrêter juste de l'autre côté, alors qu'eux vont jusqu'à LuangPrabang. Nous prenons donc deux bus différents (alors que c'est la même route???).
Notre "bus" est en fait un convoi de marchandises (on dirait un camion de déménagement). Le chauffeur se prend un petit coup de boum boum toutes les 20 minutes (on ne veut même pas savoir ce qu'il y a dedans).
On continue à travers les montagnes entre les sacs de vêtements, un sommier, un sac de viande, et une montagne d'haricots verts.
On avait rencontré un motard italien qui avait eu des soucis pour passer la frontière à Dien Bien Phu: certains de ses amis avaient été refoulés et avaient du aller passer à Na méo plusieurs centaines de kilomètres plus au sud. On avait été vite fait à l'ambassade du Laos à Hanoi pour savoir si la frontière était ouverte, ils n'en savaient pas grand chose. Plus tard, on avait vu des gens qui étaient passé par là. La frontière doit donc bien être ouverte...
Le poste frontière est tout petit et ça semble plutôt bien organisé. Notre chauffeur mister boum boum planque sa copine sur le toit du bus pour passer pendant qu'on va au guichet pour avoir notre visa.
Seulement 2 euros de corruption plus tard, nous voici au Laos! Sur le cahier du guichet qui délivre les visas, je m'appelle Basile Jean. Dans le registre des douanes, je suis Etienne Talbot (Jean et Etienne étant mes deuxième et troisième prénoms).
Finalement, mon visa sera au nom de mon papa qui a donc le droit de venir pour un mois au Laos! Une bien belle administration.
Nous voici donc au village de Muang Khua juste de l'autre côté de la frontière. Il est possible de rejoindre LuangPrabang par un bateau sur le Mékong, mais la traversée et plus compliquée depuis qu'un barrage a été construit. On nous dit que le seul bus de la journée est déjà parti, il faut prendre un tuk tuk derrière le dispensaire vers une ville plus grande puis un bus vers une ville encore plus grande puis un dernier bus vers LuangPrabang (autrement dit la galère totale mais on y va!)
En se dirigeant vers le dispensaire, un mini van nous récupère par hasard et nous emmène à une autre ville dans laquelle on peut apparemment prendre un bus vers LuangPrabang. Un petit restaurant en face de la gare routière nous attire, la gérante nous dit: SOUP! SOUP! C'est parti pour une soupe.
Puis on fini par monter dans un bus... dans lequel se trouve nos deux amis coréens! Décidément, on n'aura jamais rien compris au système de bus ici. Le trajet est toujours plus long que ce qui est annoncé, la plupart des bus font des livraisons en même temps. Dans celui-là il y avait une cinquantaine de marmites que le bus colissimo a distribué à pleins de gens. Des petits villages ont été construits sur les sommets, les enfants en uniforme scolaire remontent sur le bord de la route depuis l'école plus en bas.
A la fin, on partage un tuk tuk avec les coréens (qui nous remboursent en dollars, acceptés ici) pour arriver au centre.
24h après notre départ, on arrive à LuangPrabang.
LuangPrabang est la grande ville du nord du pays avec 70 000 habitants. On a immédiatement une impression de calme quand on se promène dans les rues (surtout après l'agitation du Vietnam). Le centre ville est enclavé entre le Mékong et la rivière Nam Khan.
La ville est un centre actif du bouddhisme au Laos. Une trentaine de temples se trouvent en centre ville, et chaque matin au levé du soleil une centaine de moines font l’Aumône pour leur prière. On croise d'ailleurs des moines un peu partout en ville en journée.
Au Laos comme au Vietnam, on trouve des grands smoothies de fruits frais pour 1 euro (voire moins) à peu près partout. La nourriture est aussi très bonne ici.
En fin de journée, on part faire une petite croisière sur le mékong.
On fait la connaissance d'un couple de québecois en vadrouille qui font une série de concerts dans le coin. Ils font un petit show sur le bateau juste avant le coucher du soleil. On goutte le mojito local, à base de Lao Lao (sorte de vodka de riz).
Après une petite bière, on se rend au marché de nuit. On trouve énormément de produits artisanaux, et aussi un buffet à volonté à 15 000 kip (1,5 euro), je n'ai pas réussi à finir mon assiette.
Puis ont fini cette journée très constructive au bar Utopia, allongés sur la terrasse au dessus du fleuve à côté d'un terrain de volley.
Le lendemain, réveil au petit matin pour aller observer le lever de soleil depuis le mont Phusi, au milieu de la ville.
En redescendant, on avait prévu d'aller assister à la cérémonie des moines. Sauf qu'on s'est trompé de côté et on est arrivé dans un marché.
Puis on prend une moto pour aller visiter les cascades de Kuang si. Beaucoup de gens y vont en tuk tuk en fin de matinée, on décide d'y aller plus tôt pour pouvoir mieux en profiter. En une petite heure de route, on arrive à l'entrée du parc.
On tombe par hasard sur une réserve d'ours installée à l'entrée. Les ours y sont protégés par rapport à l'exploitation humaine de leur bile pour fabriquer des médicaments.
On arrive ensuite aux chutes de Kuang si. De l'eau turquoise coule de bassin en bassin au milieu des arbres.
En amont des dizaines de bassins, il y a la grande cascade de Kuang si. On peut aller se promener sur la montagne au-dessus.
En redescendant, beaucoup de gens commencent à arriver. Une petite baignade et on repart!
Au retour, on regarde le repas des ours. Des morceaux de fruits sont planqués un peu partout et les ours doivent les trouver. Un des ours n'a pas de bras droit, pourtant c'est lui qui trouve presque tout les fruits, il est handicapé mais bien malin (ou alors c'est les autres qui sont peut-être un peu cons on sait pas).
Les gens commencent à sortir leur pique-nique, on repart en moto vers la ville.
La route est sinueuse et passe par plusieurs villages.
Dans l'après-midi on refait quelques heures de bus vers le sud.
Ce soir, nous arrivons à Vang Vieng pour quelques jours.
A bientôt !